Quand l’autrice Alice Babin m’a dit qu’elle aimerait écrire cinq histoires autour de cinq de mes bijoux, j’ai tout de suite été séduite. Quels chemins allait-elle emprunter ? Quelles micro fictions imaginerait-elle ? Avant qu’elle ne se lance, je n’avais qu’une chose à lui confier : une carte blanche.

Voici le deuxième texte d'Alice, écrit pour la bague Mantra...

"Quand il était petit il aimait bien jouer à l’aventurier. Il était dans sa chambre ou dans la rue ou dans la classe ou sous la douche, il joignait ses doigts en triangle sur un œil, fermait l’autre et, là, apparaissait un nouveau monde. Un monde de forêts, un monde d’étoiles, un monde sous-marin. Un monde de désert aussi parfois. Ça lui rappelle ça quand il la voit, sur son annulaire. Ça lui rappelle lui enfant dans ses secrets imaginaires.

Adrien porte cette bague comme un fétiche. Un bijou-clé qui ouvrirait des portes par milliers.

Dans les escalators du métro, avant un rendez-vous au café, pendant une audience ou lorsqu’il dépose ses courses sur le tapis, Adrien sourit. Tous ces mondes qui sont encore en lui. Il se demande si les autres font ça, imaginer ailleurs que seulement ici. Parfois il entend même des bruits, une turbine sous l’eau et un cheval au galop. À un moment Adrien est bien forcé de lever le nez, parce que ça klaxonne, parce que le caissier lui demande s’il souhaite garder le ticket, parce qu’elle dit je peux mettre ma tête comme ça, sur ton épaule, ça te dérange pas. Non, vas-y ; endors toi. Comme ça il peut continuer…

Adrien est dans un train. La campagne défile et il a posé sa main contre la vitre. Depuis son siège, il fait scintiller ses mondes dans ses triangles de magie. Il n’est pas vraiment là où on le croit. Pas vraiment celui qu’on dit. Et peut-être que lui-même ne le sait pas.

Le train entre en gare, les voyageurs s’étirent, se lèvent, reprennent leurs sacs. Elle dit voilà on est arrivés et dans sa tête Adrien s’entend penser : jamais tout à fait. Mais ça c’est son secret."

Alice Babin