La route est infinie, le ciel, le sable et au milieu notre voiture qui se déplace. Se déplace-t-elle vraiment d’ailleurs ? L’horizon est fixe, le paysage ne semble pas bouger.
C’est le vent que l’on reçoit à travers la fenêtre entrouverte qui indique bien que nous avançons.
Autour tout est ocre, un jaune pâle délavé, un rose poudré, un terrakotta clair. La lumière écrase le tout. Parfois une ombre au sol crée un léger contraste. Il y a aussi quelques touffes d’herbes d’un vert tilleul, comme celui des objets qui brillent la nuit, une pointe de jaune. Par endroit le sol scintille, vibre.
Nous traversons un poudrier Chanel. Toutes ces nuances de peau semble tout droit sortie d’un kit de maquillage.
Il fait si chaud que le ciel prend la même couleur que le sol, partout cette matière, cette couleur, d’une douceur absolue, d’une aridité extrême.
On entend le silence.
La route est longue. Les yeux se remplissent de cette lumière, de cette poussière. La peau se recouvre de la même couleur, et les cheveux secs s’emmêlent.
Nous traversons un monde minéral et j’imagine qu’un jour, ceux qui iront marcher sur Mars auront la même sensation.
Nous croisons la route d’un dromadaire, nous sommes bien sur terre ! Ce dernier marche nonchalamment le long de la piste. Sa robe blanc-cassé se fond dans le paysage.
Tout à l’heure dans l’après midi, nous arriverons à Agadez. Nous croiserons tout d’abord plus de monde à l’approche de la ville, les boubous de couleurs nous feront signe le long de la route. Les tissus lustrés claqueront dans le vent.
Puis nous verrons les premières enseignes colorées, les boutiques où s’entassent les objets en plastique luisants venus du Nigéria et de Chine. La ville nous accueillera avec les indigos des turbans, les broderies vertes des sandales, les roses, jaunes, turquoises fluo des nattes en plastiques, les transistors grésillant, les mobylettes rouges pétaradantes, les robes à froufrous qui tournent des petites filles, leurs cheveux décorés d’élastiques multicolores, les fumées du marché où l’on achète la viande cuite, les légumes et les oranges.
Les couleurs danseront avec le bruit de la ville, avec son mouvement, sa respiration.
J’entre souvent quelque part par la couleur, une déformation liée à mes études peut être. C’est la couleur qui me donne le rythme, c’est la couleur qui me donne le ton. Lorsque j’ai commencé à dessiner des bijoux avec les artisans à Agadez j’ai rapidement eut envie de rajouter des couleurs au métaux.
J’ai tout d’abord lié mes bijoux à des liens de tissus colorés, des liens énormes qui apportaient beaucoup de couleurs. Puis j’ai demandé aux artisans de faire de petits trous sur certaines pièces afin de pouvoir ensuite les broder.
C’est ainsi que la collection « les brodés » est née : en fonction des saisons, des envies et des humeurs, les colliers, boucles, bagues ou bracelets peuvent se colorer de fils rouges, verts turquoises, rose poudré, jaune pâle, ocres, indigo ou roses fluo !
Souvent c’est vous qui me demandez une couleur précise : « je veux une bague brodée en rouge corail ».
Et puis quelques temps plus tard : « je veux la mettre avec une robe rose et j’aimerais qu’elle soit vert turquoise ». Je sors le fil demandé, une aiguille … et hop la bague change de couleur, elle change de rythme !
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